Places vacantes dans les centres d’accueil dédiés aux déplacés ukrainiens : pas de doubles standards selon la juge des référés.
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Le 25 juillet 2022, Utopia 56 et Médecins du Monde ont saisi le juge des référés liberté du tribunal administratif de Paris avec le soutien de Me Samy Djemaoun pour demander à ce qu’il soit enjoint au préfet de la région Île-de-France et au ministre de l’Intérieur d’ouvrir les centres d’hébergement d’urgence dédiés aux déplacé.e.s ukrainien-n-e-s à Paris (dont celui à la Porte de Versailles), à l’ensemble des personnes en situation de très grande précarité, quelle que soit leur nationalité ou pays d'origine. L’audience a eu lieu ce 26 juillet au tribunal administratif de Paris en présence des représentant.es des deux associations ainsi qu’une dizaine de femmes (avec enfants) concernées. La requête a été rejetée par la juge des référés.
Un centre d’accueil sous-occupé
Chaque soir à Paris et en Île de France, les associations Médecins du Monde et Utopia 56 rencontrent des centaines de personnes avec des statuts hétérogènes sans solution de logement. Des enfants, des nourrissons, des femmes enceintes, des personnes en situation de handicap, des hommes seuls, des personnes malades, de toutes les nationalités n’ont aucun accès à l’hébergement et sont contraint.es de dormir à la rue en dépit de leur vulnérabilité parfois extrême. À titre d’exemple, entre le 14 juin et le 20 juillet 2022, sur les 1179 demandes faites à Utopia 56 – qui intervient tous les soirs devant l’Hôtel de ville de Paris afin de trouver des solutions d’hébergement d’urgence aux personnes, 66% sont restées sans solution d’hébergement et 43% de ces dernières concernaient des personnes en situation d’extrême vulnérabilité.
Pourtant, depuis plusieurs semaines le centre d’accueil pour déplacé.e.s ukrainien.e.s de la Porte de Versailles est sous-occupé. Ce dispositif mis en place dès le 16 mars 2022, permet, fort heureusement, un accueil digne et adapté des ukrainien.n.e.s bénéficiaires de la protection temporaire. Or, chaque soir, entre 400 et 450 places d’hébergement d’urgence sont vacantes. Plus généralement, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, sur le territoire national « au 15 juillet dernier, près de 84 770 places d’hébergement sont comptabilisées, avec un taux moyen d’occupation de 49%, soit 43 036 places disponibles » initialement dédiées aux ressortissant-e-s ukrainien.n.e.s.
Une atteinte à plusieurs libertés fondamentales
Les associations, ont demandé à plusieurs reprises aux autorités compétentes l’ouverture de ces dispositifs d’hébergement d’urgence aux personnes précitées. Une manifestation a eu lieu le 9 juillet 2022 devant ledit centre, puis un courrier officiel a été envoyé le 12 juillet 2022, demeuré jusqu’à présent sans réponse.
La mairie de Paris a également interpellé la préfecture de la région d’Île de France à ce sujet. L’État refusant catégoriquement d’héberger en urgence ces familles, la Ville de Paris s’est substituée à l’État et, le mardi 14 juin au soir, a mis à la disposition de ces familles dormant à la rue un gymnase municipal, permettant à 140 personnes d’être hébergées, dont des femmes enceintes, des enfants et des nourrissons.
La carence caractérisée du préfet de Paris et du ministre de l’Intérieur portent ainsi une atteinte à plusieurs libertés fondamentales :
- à l’intérêt supérieur de l’enfant et au principe de la dignité de la personne humaine ;
- au droit d’asile combiné au droit au respect de la vie privée et familiale, au principe de dignité de la personne humaine et au principe de non-discrimination ;
- au droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi et au droit de ne pas subir des traitements inhumains et dégradants.
Notre requête rejetée
Alors même que la juge des référés du tribunal administratif de Paris a reconnu l’absence de solutions de logement pour des personnes vulnérables, notre requête a été rejetée ce jeudi 28 juillet. Selon les motifs de l’ordonnance et malgré les preuves apportées et citées ci-dessus, “Ce dispositif (Porte de Versailles) est spécifique de manière à ne pas saturer les dispositifs de droit commun de l’hébergement d’urgence.” et “les requérantes (…) n’apportent pas la preuve d’une carence manifeste des différentes autorités compétentes s’agissant des dispositifs de droit commun d’hébergement d’urgence destinés aux populations susceptibles d’en bénéficier”.
Pourtant, chaque soir les associations rencontrent des dizaines de personnes dont les appels au 115 aboutissent sur des échecs ou des absences de réponses et qu’un campement de plus de 120 personnes, dont au moins 51 enfants n’ayant pu bénéficier de solutions d’hébergement d’urgence, est installé depuis le 24 juillet à la porte de Pantin. Il apparaît aujourd’hui que, si les solutions d’hébergement existent, elles sont refusées aux personnes vulnérables non-ukrainiennes et non bénéficiaires de la protection temporaire par l’État. C’est pourquoi les associations requérantes accompagnées de Me Djemaoun étudient la possibilité de faire appel devant le Conseil d’État