Pour un accès égal pour tous au système de santé
Monsieur le Ministre de la santé, vous avez lancé un exercice ambitieux de concertation pour l’avenir de notre système de santé : le Ségur de la Santé. Cette démarche est salutaire, bien que dans un calendrier extrêmement serré, car il est urgent de s’attaquer aux difficultés profondes que nous observons, usagers et soignants, dans le quotidien de l’accès aux soins.
Monsieur le Ministre de la santé,
Ce dispositif se veut le moyen de « bâtir un système de santé plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple et plus à l’écoute (…) »1. Et plus inclusif ? Et plus juste ? Et plus accessible ? Ces questions ne sont pas accessoires. Les enjeux de santé publique soulevés par la récente crise sanitaire autour de la pandémie du covid-19 le soulignent : si « la santé pour tous » reste un vain mot dans les mesures que vous présenterez, un slogan, un habillage éloigné de la réalité, alors c’est un danger pour tous.
POUR UN SYSTÈME DE SANTÉ OUVERT À TOUTES ET TOUS
Nous voulons un système de santé qui réponde aux défis de notre temps : inclusion, démocratie, transparence. Le système de santé doit être ouvert à toutes et tous, et les décisions prises avant tout pour répondre aux impératifs de santé publique. Ni la logique marchande, ni la gestion des flux migratoires ne doivent présider au pilotage du service public de la santé. Il faut nécessairement prendre un tournant nouveau pour insuffler cette approche, en commençant par répondre aux demandes des collectifs de soignants qui se mobilisent sans répit pour sauver le système de santé.
Il nous faut repenser et simplifier considérablement l’accès à la couverture maladie, qui ne doit plus être un obstacle, mais un levier pour la santé de toutes les personnes qui résident sur le territoire. Cette simplification implique un système de santé inclusif, et donc une couverture santé réellement universelle, qui permette l’accès aux soins gratuits pour toutes et tous, avec une même carte vitale et les mêmes droits santé. Cette démarche passe par l’intégration des bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat dans la sécurité sociale, mesure qui aurait pour mérite non seulement de faciliter drastiquement l’accès aux soins, d’orienter les soins primaires vers la médecine de ville et de désengorger ainsi les urgences et les PASS2, mais aussi de mettre fin à l’instrumentalisation annuelle de l’AME à l’occasion des discussions budgétaires en lien avec la politique migratoire, alors que ce dispositif est avant tout un outil de santé publique. Aujourd’hui, près d’un bénéficiaire potentiel de l’AME sur 2 est dans une situation de non-recours3 : c’est bien ce renoncement auquel il faut s’attaquer. Le gouvernement a eu tort, en 2019, de s’attaquer à la couverture maladie des personnes étrangères : la santé publique ne peut pas être bradée au nom d’objectifs soumis à des enjeux de politique politicienne.
NE PAS OUBLIER LES PERSONNES ÉLOIGNÉES DU SOIN
Il est également indispensable de favoriser l’accès effectif des plus précaires aux soins en développant de manière très volontariste les dispositifs permettant d’aller vers les personnes éloignées du soin.
La médiation en santé est un outil puissant de lutte contre le non-recours et contre les inégalités sociales de santé. Il est aujourd’hui sous-utilisé, alors que la Loi de modernisation de notre système de santé l’avait, en 2016, reconnu et intégré aux outils à disposition de la puissance publique. Des postes de médiateurs en santé doivent être créés en nombre sur les territoires, et intégrés plus globalement à un développement des démarches « d’aller-vers » : les équipes sanitaires mobiles mises en place pour identifier, orienter et accompagner les personnes en précarité atteintes du covid-19 montrent encore une fois que cette dynamique est pertinente. Ces solutions doivent être activées en dehors des périodes de crise, elles doivent être intégrées au système de santé de manière extensive et permanente.
« Toutes les personnes qui ont besoin de voir un médecin généraliste devraient pouvoir le faire dans un système de soins de proximité, adapté et inclusif. »
On ne peut pas continuer à laisser se développer un système à 2 vitesses : celles et ceux couverts par l’assurance maladie ou avec les moyens de payer des soins qui, quand ils tombent malades, vont chez leur médecin traitant, et les personnes en précarité, les migrants, les personnes sans couverture maladie, qui se tournent vers l’hôpital ou vers les médecins bénévoles d’une association. C’est ce qui se passe aujourd’hui, ce que nous constatons tous les jours dans nos missions. Toutes les personnes qui ont besoin de voir un médecin généraliste devraient pouvoir le faire dans un système de soins de proximité, adapté et inclusif. Il faut notamment développer les centres de santé pluridisciplinaires mettant en œuvre les principes de la santé communautaire, ouverts sur toute la population de leur quartier et co-construisant avec elle les actions en santé.
Signataires
- Dr Philippe de Botton Président de Médecins du Monde